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Les agriculteurs ont tort de tout attendre de l'Etat !

Tribune parue dans Les Echos le 23 Juin 2021



Les responsables agricoles font trop souvent pression sur la puissance publique pour obtenir une loi ou un arbitrage. Dans une économie ouverte, c'est une illusion dangereuse, déplore Jean-Marie Séronie, membre de l’académie d’agriculture.


L’idéogramme chinois pour dire la France signifie «le pays des lois». L’encombrement parlementaire permanent montre bien que nous faisons des lois pour tout, puis une loi pour rectifier les effets pervers d’une loi précédente qui elle-même avait complété une autre loi. L’enchaînement des lois successives sur les relations commerciales depuis trente ans en est l'illustration.

Le monde agricole, comme chacun de nous dans sa vie quotidienne, attend certainement trop de la puissance publique, c’est tellement plus simple ! Certaines filières sont en difficultés, mais bon sang que fait l’État pour protéger les prix ?! La restauration importe massivement des poulets ? Mais que fait l’État ! On vient de connaître une grêle, une sécheresse… ? Il faut que l’État nous aide !

Plutôt qu’engager une négociation avec leurs clients ou partenaires, négocier des accords, s’organiser, se structurer, s’allier... le réflexe naturel des responsables agricoles est de faire constamment pression sur l’État, ou les collectivités, pour avoir une loi ou un arbitrage. Bien sûr, on trouve de brillants contre-exemples de belles réussites contractuelles.


La table des négociations


Le débat se cristallise aujourd’hui sur le prix payé aux producteurs que l’on veut sanctuariser pour le protéger. On oublie trop vite le rôle du marché dans une économie ouverte. Le prix est la conséquence de la rencontre entre l’offre et la demande. La concurrence est une incontournable réalité.’on veut sanctuariser pour le protéger. On oublie trop vite le rôle du marché dans une économie ouverte. Le prix est la conséquence de la rencontre entre l’offre et la demande. La concurrence est une incontournable réalité.

On oublie trop vite que le résultat d’une négociation dépend justement du pouvoir de négociation des parties, lui-même résultant en partie de la concurrence et du poids des acteurs donc souvent de leur organisation.

On oublie top vite que le résultat d’une entreprise c’est un chiffre d’affaires moins des charges, qu’un chiffre d’affaires est la combinaison de décisions librement prises, de choix de production, de choix de circuit de vente, de négociation de prix, de rendement technique. L’agriculteur, chef d’entreprise, avec sa vision et ses compétences, reste le pilote de ces combinaisons subtiles.


La loi doit donner un cadre durable


La loi nationale comme européenne est, certes importante, mais elle doit se concentrer sur l’équilibre des cadres à poser, sur la fixation de règles du jeu durables. Montesquieu vantait d’ailleurs l’intérêt des vieilles lois ayant fait leurs preuves.

Le domaine privilégié de la loi doit rester le régalien. Spécifiquement pour l’agriculture ce sera, je crois, de plus en plus la sécurité sanitaire et phytosanitaire, les règles de gouvernance des biens communs et des ressources à partager comme l’eau, les règles de transparence à tous les niveaux.


Pour assurer son quotidien technique et économique le monde agricole devra apprendre à ne plus se réfugier derrière la loi, mais de plus en plus à s’organiser pour négocier. Les accords contractuels, la "soft law" seront beaucoup plus efficaces que les textes issus des affrontements et compromis entre partis et courants de pensées au parlement.

D’ailleurs tout le monde attend beaucoup de l’État, des collectivités mais n’y croit sans doute pas vraiment puisque de moins en moins de Français vont voter comme s’ils pensaient que la politique n’a plus vraiment d’utilité dans le monde aujourd’hui.


Jean-Marie Séronie

Agroéconomiste indépendant

Membre de l’académie d’agriculture

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