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Future PAC : la prudence est la mère des batailles contre le changement

Dernière mise à jour : 17 avr.


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Le 15 avril après-midi s’est tenue une réunion de travail des parties prenantes sur la prochaine réforme de la PAC, organisée par la Ministre de l’agriculture. L’assistance était diverse et nombreuse mais sans doute inférieure aux prévisions vu les chaises vides. J’y avais personnellement été invité par le cabinet de la Ministre, j’ignore d’ailleurs à quel titre !

A mon retour dans le train, je retrace, en toute indépendance, mon ressenti de cette intéressante expérience. Comme toujours dans ce genre d’exercice ce qui n’est pas dit, ce qui est dit à la marge ou sous-entendu est aussi important voir plus que ce qui est dit ! J’ai choisi de partager ce billet en deux volets : Les interventions des parties prenantes puis Les apports des experts

 

Les interventions des parties prenantes

 

La Ministre de l’agriculture avait organisé cette rencontre sous forme de trois tables rondes réunissant des experts et des responsables d’organisation. Ce format permettait évidemment au ministère de ne pas s’exposer puisqu’il était résolument à l’écoute. Expérience réussie, dans son discours d’ouverture qu’elle a minutieusement lu, la Ministre n’a pris aucun risque dans un texte très convenu, bien construit et sans aspérité. De même dans ses propos conclusifs elle a très habilement évité ou adouci les rares propos piquants de la séance sans oublier une griffe contre les ONG environnementales. A ce stade sa posture est évidemment de chercher à resserrer les rangs du monde agricole majoritaire derrière elle et de ne rien dévoiler de ses futures propositions ou axes de négociation. Elle a aussi pour mission de déminer et ne pas donner de prises aux irritants internes au monde agricole. De ce point de vue mission accomplie assurément ! aucune envolée, aucun souffle n’aura susurré quoique ce soit entre les lignes ni trahi la moindre ambition des changements envisagés. Les équilibres professionnels auront également été savamment ménagés.

La Ministre a aussi fait appel à des contributions écrites.

 

Le président de la commission agricole des régions de France a insisté sur l’attention que portera Régions de France sur l’aspect territorial du ciblage des aides directes. Il y aura une proposition socle des régions puis « chaque région se positionnera en fonction de ses logiques historiques et territoriales ». (cela laisse présager de longues tractations franco-françaises).

 

Les trois tables rondes sur la productivité, la gestion des risques, la transition écologique auront permis de percevoir la force (ou la fragilité !) des analyses des différentes parties prenantes.

Chaque table ronde comprenait un expert (Farm Europe, INRAE, Pacifica) et deux ou trois représentants politiques ou présidents d’organisation agricole (Coopération agricole, Chambre d’agriculture France, Terres Innovia , FMSE) ou responsables « agriculture » d’organismes généraux (OCDE, FNE).


Pas de syndicats directement sur la tribune ( prudence oblige après le résultat des élections de janvier) mais une FNSEA très présente dans la salle par ses sections spécialisées FNB, AGPB, FNPL, CGB et plusieurs vice-présidents, l’ensemble étant très actif dans les phases de questions de la salle. (au moins la moitié des interventions retenues). De nombreux responsables d’interprofessions étaient présents mais sont restés plutôt discrets.

La plupart des interventions développaient des plaidoyers, des demandes de moyens bien plus que des analyses ou des propositions pour la politique européenne.

 

La Confédération Paysanne et le collectif Nourrir (ex pour une autre PAC), WWF ou la CFTC ont posé des questions plutôt dans la contradiction des propos dominants centrés sur le paradigme productif. La Coordination Rurale était absente ou muette.

 

J’ai retenu des débats durant les tables rondes les idées suivantes

 

-Des apports d’experts concis, pertinents et intéressants très peu pris en compte dans les débats. (cf seconde partie)

-Une unanimité sur la nécessité d’un budget dédié assis sur deux piliers et le refus de subsidiarité, sans toutefois le moindre argumentaire appuyant cette position ou dénonçant les risques de la proposition de rapprocher différents fonds avec des enveloppes par pays portée par la commission.

-Une préoccupation territoriale émergeant très souvent dans les débats ce qui est nouveau.

-Plusieurs souhaits de développer les programmes opérationnels.

-Aucune référence à une évaluation des politiques en cours.

-Des préoccupations et des questions très franco-françaises sans vraiment de dimension européenne. C’était particulièrement criant sur les questions de gestion des risques et de transition.

-Sur la compétitivité des exploitations un vif plaidoyer chambre d’agriculture, coopération et député PPE pour des aides à l’hectare et le refus catégorique d’aides à l’actif considérées comme sociales ou « décroissantes n’incitant pas à la production ». Par ailleurs une position assez paradoxale considérant un budget sous contrainte forte, affirmant le besoin de garder les aides à l’hectare tout en proposant en même temps plusieurs dimensions nouvelles comme le soutien « à des démarches de développement d’exploitations ou de filières par projet », de renforcer les programmes opérationnels (ce que réfute la FNB craignant sans doute pour les aides couplées bovines). A noter une des rares propositions nouvelles (venant des JA ) de mixer programmes opérationnels et aides couplées, ce que d’autres ont vu sans enthousiasme.

 

Les informations apportées par les experts

 

Calendrier : juillet 2025 proposition de la commission sur la cadre budgétaire pluriannuel 2025 – Septembre 2025 proposition législative sur la réforme de la PAC

 

Sur la compétitivité (Farm Europe)

 

L’adhésion de l’Ukraine est prévue très rapidement, sans doute pour 2030

Remarque : cette information n’a, de manière stupéfiante, suscité aucune remarque, alors qu’évidemment elle impacte fortement la prochaine programmation de la PAC.

 

Il pourrait y avoir une piste de mutualisation européenne des systèmes assurantiels

 

Grosse alerte sur le budget. Un maintien en Euros courants signifierait, en valeur réelle, des aides directes réduites de 54% entre 2020 et 2034 -  (note JMS cela fait une réduction du budget la plus stupide qui soit par rabot uniforme et donc la plus facile et invisible politiquement) Il faut absolument hiérarchiser les priorités et chercher des effets de levier.

Pour Farm Europe il y aura une négociation simultanée – cadre budgétaire/ hiérarchie des priorités et leviers

 

Il faudrait augmenter la production de biomasse de 25% pour satisfaire tous nos objectifs il y a donc des gisements de marchés aux portes des exploitations mais cela demande des investissements, la BEI estime à 60 Mds par an. Actuellement la bioéconomie européenne se fait par des importations de biomasse.

 

Sur la gestion risques (Pacifica)

 

Objectifs de la loi de 2022 sur la protection des risques (3 niveaux autoassurance, assurances, Fonds national de garantie des pertes extrêmes) : 60% des surfaces de cultures, 30% des surfaces d’arbo et de prairies assurée)

Les débuts ont été prometteurs : en 2023 on est passés de 17 à 23% de surface assurée, depuis stagnation voire régression.

Question comment développer … rendre obligatoire ? – sur 100 euros de cotisation 80 sont reversés en indemnisation.

 

Par contre rien n’est abordé sur la dimension européenne et les ouvertures figurant dans la vision du commissaire- on reste franco-français.

 

Sur la transition ( INRAE)

 

Dans ferme Dephy baisse de 30%à 35% des phytos à volume de production constant … avec un accompagnement très fort et beaucoup de travail. Cela montre que c’est possible mais pour massifier il faut absolument donner une motivation.

 

Les perspectives de la recherche sont de 30% de baisse en CH4 et N2O d’ici 2030

-CH4 par alimentation, gestion de troupeau et génétique

-N20 par légumineuses et pilotage de précision

 

Une étude montre que les produits importés contiennent 2 à 3 fois plus de résidus phytos que les produits européens et les produits carnés importés d’Amérique du Nord ou du Sud presque 2 fois plus d’antibiotiques au kilo de poids vif

 

En synthèse des synthèses :

Un jeu de postures très convenu, un ministère qui ne s‘expose pas, peu de propositions nouvelles (dans un monde qui évolue très vite) si ce n’est une montée de la dimension territoriale, une unanimité sur le maintien du cadre budgétaire actuel en format comme en volume et un centrage franco-français impressionnant. Une réelle écoute calme. En réalité avec la formule choisie (format, intervenants) il ne pouvait guère en être autrement. Si on veut innover il faut commencer par une phase de foisonnement ! Espérons que d’autres formules davantage propices à la créativité auront lieu, l’expertise de la commission nationale pour le débat public serait certainement profitable.

 

 

 

Jean-Marie Séronie 15 Avril 2025

Agroéconomiste indépendant!

 
 
 
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