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Des contrats laitiers cessibles pour sortir enfin de la logique des quotas !



De très nombreux acteurs de la filière lait souhaitent que les contrats laitiers ne soient pas cessibles entre agriculteurs et le sénat a rajouté cette disposition dans son projet de loi sur la compétitivité agricole. Les arguments avancés sont en général de deux ordres : des contrats cessibles prennent de la valeur, c’est donc un coût supplémentaire et d’autre part on ne peut laisser le marché seul organiser l’évolution des structures de production.

On comprend facilement pourquoi les laiteries défendent cette position : avec des contrats non cessibles elles ont l’entière maîtrise sur l’organisation de la production, les OP (organisations de producteurs) dites verticales c’est à dire liées à une laiterie ont globalement la même position et un intérêt convergent .Elles trouvent une utilité et une légitimité supplémentaire en participant à la gestion de ces contrats non cessibles , certaines ont même institué un prélèvement sur les cessions...la logique des commissions lait administratives de la DDTM a la vie dure !!! Les Jeunes Agriculteurs sont sur la même ligne craignant qu’un contrat cessible ne renchérisse le coût de l’installation.

L’intérêt des industriels laitiers et l’atavisme professionnel agricole français pour une agriculture administrée associés à notre répulsion culturelle à l’encontre des logiques de marché conduisent donc assez vite à une pensée dominante orientée vers la non cessibilité des contrats laitiers (comme le sont aujourd’hui à 99,9% les baux ruraux).


Cessibilité des contrats : vision économique tournée vers l’avenir


Et pourtant je suis convaincu que les agriculteurs individuellement et collectivement on tout intérêt à exiger la cessibilité des contrats laitiers, et cela pour trois raisons. Premièrement cela leur donne des marges de manœuvres pour négocier la cession ou la réorientation de leur entreprise. Dans le cas contraire c’est la laiterie qui dispose seule de la destination future du contrat. Deuxièmement cela permet des relations économiques saines. La « valeur » du contrat sera fonction de la loi du marché, de l’offre et de la demande et donc in fine du contexte laitier. Seuls les naïfs imaginent que les quotas non marchands n’avaient aucune valeur de transaction. Il en serait de même dans le cas de contrats non cessibles, tout se passerait « à coté ». Reconnaître la cessibilité aura l’avantage de permettre un traitement comptable, juridique, fiscal et de financement sécurisé. C’est clairement, pour moi, une vision tournée vers l’avenir.


Troisièmement la cessibilité des contrats est essentielle pour la reconnaissance effective d’un fonds agricole comparable au fonds de commerce, inscrit dans la loi depuis 10 ans. C’est clairement une perspective d’avenir pour l’évolution de l’agriculture française. Regroupant tous les actifs de l’entreprise (matériels et immatériels) le fonds ouvre des perspectives économiques modernes en terme de modalités de financement, de garantie (nantissement du fonds), de mode de gestion (location-gérance) de l’entreprise agricole.


Stopper les pratiques occultes


L’existence économique d’un fonds agricole permettra une pratique économique et financière moderne pour l’entreprise agricole en rendant obsolètes toutes les pratiques « grises » qui se développent (dessous de table, sur-loyer off, surévaluations de matériel pour rémunérer un quota …). Celles-ci sont bien souvent le fruit d’une rareté mais aussi la conséquence d’une obsolescence de notre cadre réglementaire. Une condition indispensable à la création du fonds est précisément la cessibilité du portefeuille de contrats de l’entreprise. Il faut déjà arriver à développer la cessibilité du bail rural, ne compliquons pas les choses avec la non cessibilité des contrats laitiers !


Enfin considérer qu’un contrat cédé moyennant une contrepartie financière entraverait notre compétitivité et freinerait l’installation est un argument à moduler. Au plan économique fondamentalement s’il y a valeur de transaction c’est qu’il y a rareté et espérance de gain ! D’autre part n’oublions pas que près des trois quarts des installations laitières correspondent en fait à l’entrée d’un jeune dans une entreprise existante. L’éventuel achat d’un contrat supplémentaire pour agrandissement lors de l’installation devra donc être analysé en terme de raisonnement marginal et dilué sur l’ensemble de la production.


La cessibilité du contrat laitier constitue donc, je pense, un élément de modernité des relations économiques. Il conviendrait juste de mettre quelques garde fous simples afin d’éviter spéculation et comportements « mercenaires ».

Aurons-nous le courage de tourner définitivement le dos à la période des quotas et à une gestion administrée de la production laitière? En rendant les contrats non-cessibles nous créons de fait une nouvelle cogestion laiterie-OP chargée de gérer les volumes. Osons donner un espace de liberté aux agriculteurs. Ne créons pas nous-mêmes le piège qui nous laisse les freins et raideurs structurels d’une gestion administrée sans nous donner l’avantage de la stabilité des prix !


Jean-Marie Séronie agroéconomiste indépendant 24-03-2016

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