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Vers un remembrement du conseil agricole?


Séparation vente conseil des phytos : Vers un remembrement global du conseil agricole ?



Le Président de la République a affiché dans son programme la volonté de séparer la prescription de produits phytosanitaires de leur vente. Il a précisé vouloir agir vite dès le début de son mandat.


Nous ne connaissons pas les modalités envisagées, plusieurs hypothèses sont imaginables. Le gouvernement devra décider le niveau de séparation vente/conseil ainsi que le degré d’obligation de recours au conseil. A minima cela peut consister en une simple identification du conseil par une facturation distincte de cette prestation, le « conseiller-vendeur » pouvant continuer à prendre les commandes. A l’autre extrême, la vente de produits ne peut se faire que sur présentation d’une « ordonnance » délivrée par un conseil indépendant et agréé. Les deux métiers de conseiller et de vendeur sont donc différentiés, doivent s’exercer dans de le cadre d’entreprises distinctes n’ayant entre elles aucun lien de capital, de gouvernance, de contractualisation et avec un mécanisme d’agrément et de contrôle d’indépendance. Entre ces deux extrêmes plusieurs schémas d’organisation du triptyque prescription- prise de commande- logistique sont concevables.

On imagine facilement l’impact potentiel sur l’organisation et l’équilibre économique des distributeurs d’intrants agricoles (coopératives ou négoces).


Cette mesure, dont on parle depuis de nombreuses années, est plutôt bien perçue par deux-tiers des agriculteurs d’après une récente enquête Terre-net. En revanche elle aura sans doute, sur les entreprises qui travaillent avec les agriculteurs, des effets sans doute assez profonds qui sont à anticiper.


Baisse du prix de vente des produits


Dans la plupart des cas le conseil technique de protection des plantes n’est pas facturé de manière transparente puisque compris dans le prix de vente du produit. La séparation obligatoire conseil/vente va donc amener à identifier une prestation de conseil et à lui donner une valeur facturée qui sera plus ou moins déduite du prix du produit. En quelque sorte détacher le conseil de la vente du produit va conduire assez mécaniquement à une baisse du prix de vente de ces produits.


Désintermédiation accélérée !


Les premières plateformes numériques de vente de produits ont, de leur côté, déclenché un premier mouvement de cette baisse des prix. Jusqu’à présent leurs transactions sont, pour différentes raisons, très modestes en volume par contre elles ont insufflé une transparence sur les prix qui concerne toute l’agriculture. Le fait que les produits sur les plateformes soient vendus « secs », sans conseil, contribue à la fois à la baisse de leur prix et explique en partie la faiblesse des ventes. Dès lors que le conseil doit obligatoirement être vendu de manière indépendante la question est réglée, un nouveau modèle économique se met en place et de plus en plus de commandes se font par le web. Les grandes organisations de vente de produits (coopératives et négoces) deviennent les acteurs majeurs des plateformes et engagent une véritable démarche multicanale, ils revoient le rôle et la conception de leurs magasins, les missions de leurs « anciens » technico-commerciaux. La révolution numérique et la séparation produit-conseil entrent donc en synergie !


Redistribution des cartes du conseil


Confrontées à la construction d’une véritable équipe de conseillers pour les produits phytosanitaires les grands distributeurs se poseront rapidement la question du périmètre du conseil à traiter. Engagés dans la mise en place d’une véritable organisation de conseil avec management, réassurance, formation ... parions qu’ils élargiront leur champ à l’ensemble des intrants végétaux (phytos, semences, engrais …) mais aussi élevage et que très rapidement ils aborderont l’ensemble du système de production, la stratégie d’entreprise, l’économique.

De l’autre côté le fait que le conseil technique jusqu’alors « gratuit » devienne facturé avec un prix de marché ouvre des perspectives à d’autres opérateurs spécialisés en conseil tels que centres de gestion, chambres d’agriculture. Ceux-ci pourraient saisir l’occasion d’élargir leur gamme de conseils et de consolider leurs positions. De nouveaux opérateurs indépendants pourront aussi se développer.


Ces ouvertures seront d’autant facilitées que, grâce au numérique, l’ensemble des données seront (progressivement) directement et facilement accessibles dans les exploitations. Cette redistribution des cartes marquera donc une évolution vers une globalité et une transversalité du conseil et s’accompagnera de l’émergence d’organisations de conseil pluridisciplinaires et structurées. Si, de surcroit, la future PAC 2020 comportait, comme certains y réfléchissent, un volet accompagnement et conseil significatif, la modification de la carte du conseil pourrait être majeure et rapide.


Que feront les firmes ?


Dans ce remembrement possible du paysage quelles seront les stratégies des firmes fabricantes de produits phytosanitaires ? Le système de distribution des produits par des coopératives et des négociants est une originalité française. Dans beaucoup de pays européens les firmes sont en contacts directs avec les agriculteurs et certaines d’entre elles pensent que ce modèle est plus efficace car le prix des produits y seraient souvent inférieurs aux prix français. De là à imaginer l‘émergence de « circuits courts » !!!


La séparation vente de produit – vente de conseil a été imaginée pour encourager une moindre utilisation des pesticides et donc préserver davantage notre environnement et notre santé, deux préoccupations d’ordre public. En synergie avec la révolution numérique, elle pourrait avoir un impact majeur sur la stratégie des distributeurs de produits agricoles et des organismes de conseil et recomposer largement le paysage du conseil agricole français bien au-delà du strict conseil en protection des plantes.


Jean-Marie Séronie



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